Révélons donc une bonne fois le secret public, exposons le monstre à la lumière du jour, quelque effet étrange qu’il puisse y produire: en tout temps et partout, dans toutes les conditions et dans toutes les circonstances, la médiocrité et la sottise ne haïssent rien si profondément et avec tant d’acharnement au monde que l’intelligence, l’esprit, le talent. Qu’en ceci elles restent toujours fidèles à elles-mêmes, elles le montrent dans toutes les sphères, toutes les circonstances et tous les rapports de la vie, en s’efforçant partout de supprimer, d’extirper et d’anéantir ceux-ci, pour subsister tout seuls. Nulle bonté, nulle douceur ne peuvent les réconcilier avec la supériorité de la force intellectuelle. Il en est ainsi, cela ne changera pas et durera toujours. Et quelle terrible majorité la médiocrité et la sottise ont de leur côté! C’est là un obstacle fondamental aux progrès de l’humanité en tout genre.
La philosophie universitaire, Arthur Schopenhauer, Parerga et paralipomena, Bouquins, Éditions Robert Laffont, 2020, pages 333/334.